Rares sont les « Malgaches », les membres du fameux MALG (Ministère de l’Armement et des Liaisons générales) créé en 1960 par Abdelhafid Boussouf, qui ont livré leur témoignage écrit. Abderrahmane Berrouane, dit Saphar, est de ceux-là. Il lui aura sans doute fallu un certain courage pour oser écrire à la première personne et tenter de se défaire des réflexes de silence et de secret associés à ce groupe réputé pour son opacité.
C’est avec une réelle sincérité que l’auteur entreprend de raconter son parcours : enfance à Relizane, révolte devant l’injustice coloniale, études de Sciences Politiques en France (Toulouse), interrompues en 1956 à la suite de l’appel à la grève générale pour rejoindre le maquis. Cette année-là, il gagne donc le Maroc et rencontre le charismatique Boussouf, dit Si Mabrouk. Il fera partie de la première promotion d’opérateurs radio, baptisée « promotion Zabana », effectuera plusieurs missions, au Maroc et en Tunisie, avant de diriger, la DVCR (Direction de la Vigilance et du Contre-Renseignement) et ce jusqu’à l’Indépendance.
Abderrahmane Berrouane décrit chronologiquement la manière dont furent créés les services de renseignement algériens dans la guerre des ondes de l’information menée contre les Français. C’est l’occasion pour lui de convoquer des souvenirs très personnels qui ne manqueront pas de marquer le lecteur : ainsi de sa rencontre avec Si Mabrouk, saisissante ; du récit, très vivant, du recrutement en wilaya V et des conditions du stage de la promotion Zabana ; ou même de l’évocation de son désarroi et celui de ses collègues, à la Base Didouche, en Libye, lors de la crise GPRA/État-Major en 1962.
Grâce à ces détails et anecdotes, qui situent la guerre à son échelle humaine, ce témoignage contribue à donner un nouvel éclairage sur les arcanes du MALG et à mieux comprendre les ressorts de cette organisation.